- BRUNS (SOLS)
- BRUNS (SOLS)Les sols bruns sont des sols évolués, caractérisés par leur couleur qu’ils doivent à l’association intime d’oxydes de fer hydraté, d’humus de type «mull» et d’argile dans un complexe absorbant floculé. Ils sont en principe décarbonatés, mais le lessivage demeure limité et le profil ne montre qu’une faible différenciation en l’absence d’horizon d’accumulation importante d’argile. Ces sols correspondent principalement aux régions tempérées continentales (zone de la forêt de chênes) ainsi qu’à certaines régions chaudes semi-humides sans saison sèche trop accusée.1. Évolution historique du conceptC’est Ramann qui créa en 1905, dans son Traité de pédologie , le terme de «sol brun» (Braunerde ) pour désigner une catégorie de sols très répandue en Europe centrale. Ces sols, formés sous l’influence d’un climat tempéré, présentent un aspect brun à brun foncé dû aux hydroxydes ferriques individualisés lors de l’altération des minéraux silicatés. La teneur en humus est variable, mais toujours suffisante pour assombrir la teinte. Pour Ramann, la couleur était la seule caractéristique commune de ces sols et justifiait une appellation globale. Il ne précisait pas si le profil pédologique montrait un horizon B textural d’accumulation (illuviation) d’argile ou simplement un horizon (B) structural d’altération. Mais comme il insistait sur la faiblesse des phénomènes de lessivage, beaucoup d’auteurs ont admis que les sols bruns ne devaient pas présenter d’horizon B d’illuviation d’argile. Pourtant, comme l’ont souligné Tavernier et Smith (1957), la distribution géographique que Ramann attribuait aux sols bruns montre clairement qu’il y rangeait à la fois des sols avec et sans horizon B textural. Il est résulté de ce fait une confusion persistante dans la nomenclature pédologique internationale. On peut signaler, d’autre part, que Murgoci (1909), en Roumanie, fut l’un des premiers à employer le terme créé par Ramann, en précisant qu’il s’agissait de «sols bruns forestiers» (brauner Waldboden ) liés, selon lui, à une très ancienne forêt de chênes.La définition très large de Ramann recouvre en fait la quasi-totalité de la classe des «sols brunifiés» de la classification française des sols. Tous les sols en sont en effet caractérisés par un humus de type mull à décomposition rapide (où dominent les acides humiques bruns) formant, avec l’argile et les hydroxydes ferriques, un complexe floculé de teinte brune. Ce processus essentiel de «brunification» défini par Duchaufour (1965) ne comporte pas de dégradation chimique des minéraux argileux ou seulement une dégradation minime. Selon l’importance des phénomènes de lessivage, on y distingue des groupes différents répartis dans les diverses sous-classes climatiques:– les sols bruns proprement dits, où les processus d’entraînement sont faibles et l’horizon (B) seulement structural (assimilable à l’horizon cambique des pédologues américains);– les sols lessivés où se forme un véritable horizon B d’accumulation d’argile (identique à l’horizon argillique des pédologues américains).La même opposition existe dans la classification des sols du Soil Survey des États-Unis (7th approximation ) où la coupure s’inscrit même au niveau des ordres fondamentaux: l’ordre des inceptisols couvre la plus grande partie des sols bruns de la classification française, alors que l’ordre des alfisols correspond aux sols lessivés.Il est donc parfaitement logique de restreindre l’appellation de «sols bruns» aux seuls sols qui présentent un lessivage très faible et un profil de type A(B)C.2. La genèse des sols brunsAubert et Boulaine (1980) soulignent que les sols bruns se forment dans les régions tempérées ou parfois dans les zones tropicales semi-humides. Duchaufour cependant insiste sur le fait que les climats tempérés à tendance continentale (donc à pluviosité surtout estivale) sont particulièrement favorables à la formation des sols bruns non lessivés; il montre d’ailleurs que les phénomènes de lessivage s’accroissent en France de l’est à l’ouest à mesure que les influences océaniques augmentent, comme l’avait déjà souligné auparavant V. Agafonoff. De toute manière, les sols bruns se trouvent dans deux sous-classes climatiques: il y a les sols bruns des zones tempérées à pédoclimat frais et humide et ceux des zones tropicales à pédoclimat chaud et humide. La roche mère exerce, par ailleurs, une influence prépondérante sur la diversification des sols bruns, notamment par l’abondance plus ou moins grande des minéraux argileux qu’elle fournit au sol et par sa plus ou moins grande richesse en bases. La végétation est en principe forestière (chênaie, hêtraie ou sapinière-hêtraie) mais les pelouses de graminées freinent également le lessivage par leur enracinement superficiel et grâce à l’activité biologique qu’elles engendrent dans le sol.La genèse des sols bruns est liée à l’existence d’un humus de type mull contribuant à la formation d’un complexe argile-humus-fer floculé qui stabilise les agrégats en une structure grumeleuse caractérisée. En milieu basique ou neutre, les ions calcium assurent la floculation du complexe alors que les ions trivalents aluminium et fer jouent le même rôle en milieu acide.L’activité biologique conditionne également la formation des sols bruns. Quand elle est forte, les substances organiques solubles, qui complexent les substances minérales et qui sont responsables du lessivage, sont éliminées par la minéralisation. Une telle activité provoque d’autre part une importante remontée biologique des éléments minéraux puisés par les racines à la base du profil et restitués à la surface du sol à la chute des feuilles qui sont rapidement minéralisées. De même, les lombrics remontent en surface non seulement des substances solubles mais également des particules minérales. Le brassage des horizons par l’activité biologique entrave la différenciation du profil.En outre, le lessivage est mécaniquement freiné chaque fois que la roche mère argileuse donne un matériel peu perméable qui ne permet pas les mouvements verticaux de l’eau au travers du profil.3. Dans les pays tempérésDans les sols bruns modaux , le profil est presque uniforme: l’étude morphologique et analytique ne permet de déceler aucune trace de lessivage et d’accumulation d’argile. Il n’y a pas de calcaire dans le sol, qui est voisin de la neutralité: le pH est supérieur à 5,5 en (B). Ces sols relativement rares peuvent s’observer généralement sur une roche mère argileuse, imperméable. Ils présentent fréquemment une certaine hydromorphie temporaire et se rapprochent des Pelosols des pédologues allemands.Dans les sols bruns faiblement lessivés , il se produit un début de lessivage et d’accumulation d’argile. L’horizon B textural ne présente pas de revêtement argileux sur les faces des agrégats et se distingue difficilement à l’œil nu. Pourtant, il apparaît nettement à l’analyse. Le profil tend donc vers le type A B C avec un indice d’entraînement d’argile (A/B) supérieur à 1/1,4 en l’absence d’érosion des horizons superficiels. L’humus est généralement un mull forestier assez riche en bases (mésotrophe) formé en climat continental. Si le climat devient plus humide, l’humification est moins poussée (mull atlantique): la minéralisation des ciments humiques provoque la destruction des agrégats; argiles et oxydes de fer individualisés sont lessivés; le sol évolue vers le type sol brun lessivé ou Parabraunerde des pédologues allemands (Mückenhausen, 1962).Les sols bruns calciques s’observent sur un matériel originel calcareux. Ils peuvent résulter soit d’une pédogenèse récente (sols monophasés) sur calcaire marneux tendre, soit d’une évolution climatique complexe (sols polyphasés) sur argile de décalcification couvrant un calcaire dur (Duchaufour). Le profil est décarbonaté sur plusieurs décimètres, mais le complexe absorbant, et notamment le «mull eutrophe», est saturé en calcium par suite de la remontée biologique de cet élément depuis les couches calcaires profondes. Les phénomènes de lessivage ne portent que sur le calcaire qui peut venir former un horizon d’accumulation Cca au sommet de la roche mère quand celle-ci est un calcaire marneux. Ces sols passent aux sols bruns calcaires (classe des sols calcimagnésiques) quand le profil se charge en carbonate de calcium.Les sols bruns acides se développent sur des roches mères pauvres en bases et souvent dures, telles que granite, gneiss, micaschistes, schistes et grès. On les observe aussi sur certains limons anciens très profondément décalcifiés. La brunification est plus ou moins poussée et ces sols présentent des degrés d’évolution assez variables. Il est fréquent que la teneur en argile soit plus élevée en A qu’en (B). Il en est de même pour les oxydes de fer. L’humus est de type mull acide, tendant parfois vers le moder. Le pH est inférieur à 5,5 en (B). Il diminue d’ailleurs de A en (B) de même que le taux de saturation.Le groupe fut longtemps hétérogène: on y rangeait à la fois des sols bruns oligotrophes et des sols bruns cryptopodzoliques, plus désaturés, dont l’horizon (B) présente une microstructure à enrobement qui le rapproche de l’horizon B des podzols. Seuls les sols bruns oligotrophes doivent rester classés avec les sols bruns.Sols bruns acides à fragipan : certains sols bruns acides sur limons anciens fortement décalcifiés et siliceux présentent en profondeur une couche durcie mais fragile et cassante souvent désignée sous le nom de fragipan . Cet horizon se caractérise par une texture limoneuse, une très forte compacité et une densité apparente élevée (de l’ordre de 2) avec très peu de pores grossiers. Sa structure est massive ou prismatique, mais se brise en éclatant sous la pression des doigts. Cet horizon n’est pas plus argileux que les horizons supérieurs et ne correspond donc pas à une zone illuviale. Sa présence est généralement liée à un certain degré d’hydromorphie temporaire avec langues gris blanchâtre formant un réseau polygonal et taches ferrugineuses de pseudogley. La formation de cet horizon à la base du profil est certainement un phénomène ancien, contemporain sans doute des périodes glaciaires quaternaires et lié à la cryoturbation. Compact, le fragipan n’est pas traversé par les racines et constitue un important facteur limitant pour la végétation.Les sols bruns andiques se forment sur des matériaux volcaniques cendreux riches en verres. Leur complexe d’altération essentiellement constitué d’allophane leur confère de remarquables propriétés de thixotropie, d’échange de bases et une capacité élevée de rétention pour l’eau. Ils doivent leur teinte souvent très noire à une liaison particulièrement étroite entre les composés humiques et l’allophane.4. Dans les pays chaudsCes sols s’opposent aux sols de steppe par leur mull peu épais et plus faiblement prolymérisé correspondant à des conditions écologiques plus forestières.Kubiena (1953) a créé le terme de sols bruns méridionaux pour désigner les sols de la forêt fortement clairiérée des régions sèches du sud de l’Europe. Ces sols ne montrent qu’une faible teneur en humus. Ils sont généralement sableux et de teinte claire en raison de l’altération chimique très modeste de la roche mère qui ne libère que peu d’oxydes de fer et peu d’argile. Il n’y a pas non plus migration d’argile dans ces sols qui sont toujours neutres.Duchaufour étend la dénomination aux sols des forêts climatiques assez denses des régions méditerranéennes humides et sub-humides où la végétation maintient un pédoclimat frais, même en été.Les sols bruns eutrophes tropicaux se forment en climat tropical humide à semi-humide, sur roches calciques (basaltes) et sous forêt ou savane arborée. L’horizon A comporte un humus doux lié à l’argile et assez abondant; l’humification y est plus poussée que dans les sols ferrallitiques; la structure est nuciforme. L’horizon (B) présente une structure cubique à polyédrique. Le complexe absorbant est fortement saturé en calcium. La couleur tend vers le brun-rouge par suite de la libération d’oxydes de fer.Certains de ces sols se forment en bas de pente avec une hydromorphie très nette. Quand leur teneur en montmorillonite augmente, il faut les rattacher aux vertisols.Il existe aussi en pays tropical des sols bruns à rattacher comme les précédents aux «sols brunifiés» mais qui, formés sur des cendres volcaniques, sont le plus souvent acides. Les sols bruns oligotrophes tropicaux font le passage entre andosols et sols à sesquioxydes. Ce sont souvent des sols très fertiles s’ils sont assez profonds.
Encyclopédie Universelle. 2012.